Consultez également le site : www.andrewillequet.be


La cinquième exposition de l'œuvre d' André Willequet (1921-1998) aura lieu à la Galerie Didier Devillez, 53 rue Emmanuel Van Driessche, à partir du samedi 28 février 2015. Vernissage de 16 à 19 heures.

Elle évoque l'atelier du sculpteur. L' atelier symbolise le chantier mais aussi la rencontre .

C'est dans cet esprit que la Galerie a souhaité que l'artiste s'adresse, en quelque sorte, au visiteur. Les œuvres parlent d'elles-mêmes. Mûrement choisies, elles sont chacune, éloquentes de la genèse propre aux différents cheminements de la création.

« Figuration et abstraction – Je refuse de tracer une frontière entre ces états ennemis ! Les deux forces s’allient subtilement dans la composition de l’œuvre d’art qui est mystère. J’aime l’ambiguïté. Je crois à la poésie des formes ouvertes à d’incessants contenus. » écrivait André Willequet .

Du travail figuratif propre au modèle humain (« Torse »), l'œuvre évolue progressivement vers une forme d'abstraction. « Eve » constitue à cet égard une forme de basculement.
La question est posée : comment André Willequet donnait-il vie à la matière brute ?

Comme l’a écrit en 2002 Philippe Roberts-Jones : «Willequet devait exercer ce qu’il avait de naissance dans l’œil et la main: le sens du volume. Ses premiers grands plâtres en témoignent: la vie des formes crée le sujet et non l’inverse».

« Mes mains. Quoique muettes, elles me parlent d’incessante disponibilité. Sans elles, rien de ce que j’ai sculpté, dessiné, écrit n’aurait existé » écrivait encore André Willequet.

Le mot « main » est essentiel. Il renvoie à la notion de « modelage ».

Ce dernier se pratique sur des matières malléables comme l'argile, la cire ou le plâtre. Il permet d'obtenir des formes par façonnage manuel ou à l'aide d'outils ; prolongations littérales de la main du sculpteur, ils parachèvent son geste.

L'exposition présente plâtres et terres cuites datées de 1945 à 1989 (« Le Puits de Samarie », « Rochefort », « Ephèse »...).

Ils seront utilisés tels quels comme œuvre aboutie ou serviront de référence avant d'attaquer un modèle final en pierre (Le Fruit) ou en bois (le majestueux Agamemnon).Nombre de plâtres ou de terres ont eu vocation à être coulés en bronze (Aiglon, Nox, Aube, Early Spring e.a.). Des dessins, projets ou non de sculptures, à l'encre, à la mine de plomb ou au fusain illustrent cette exposition.

Michel Van Lierde
février 2015

 


Le site d'information (encyclopédique) culturelle et artistique, KOREGOS
publie un premier « reporticle » consacré à André Willequet
www.koregos.org


C'est la quatrième fois que la Galerie Didier Devillez rend hommage au Sculpteur André Willequet (1921-1998).
Élève d'Oscar Jespers à l'École de la Cambre dans les années quarante, il se lie d'amitié avec Charles Leplae et Henri Puvrez qui l'encouragent.
En 1947, il est gratifié du Second Grand Prix de Rome de sculpture. Cet amateur d'art roman voyage en Ile de France et en Bourgogne. Il rencontre Brancusi, Zadkine, et Henri Laurens.
En 1951, il remporte le premier Prix Louis Schmidt de sculpture.
L'année suivante, il est Boursier du British Council au Royal College of Art à Londres (atelier de F. Dobson), il taille la pierre et se rend à l'atelier de Henry Moore.
La présentation à la Galerie Devillez révèle des œuvres peu connues d'André Willequet, à savoir des monotypes datant de l'année 1959, au cours de laquelle comme Boursier des Accords Italo-belges cette fois, il voyage quatre mois en Italie et effectue deux séjours prolongés à l'Academia Belgica de Rome.
Il y travaille avec le graveur – et sculpteur à l'époque – René Carcan.
Il importe de préciser qu'avec le monotype, l'artiste ne crée pas pour un tirage, mais pour une épreuve unique. L'image est peinte directement sur la plaque (verre ou cuivre) puis elle est imprimée avant que l'encre (ou la peinture) ne sèchent.
L'année 1959 est décisive pour André Willequet.
Adepte alors de la taille directe par prédilection, ce sont le burin et le ciseau qui feront chanter ses pierres et bois.
C'est au cours de cette année précisément que le sculpteur est invité au Symposium « Europäischer Bildhauer » à Sankt Margarethen en Autriche. C'est particulièrement avec Dodeigne et Jacques Moeschal qu'il partage sur place son temps dévolu à la création.
Philippe Roberts-Jones écrit : « Vers les années cinquante l'aventure s'entame, elle est déjà menée à bien neuf ans plus tard (…) lorsque l'artiste affirme la monumentalité de sa conception. La conquête de la pierre est chose faite, elle ne cessera d'être approfondie et diversifiée au cours de campagnes de tailles en plein air (…) dans les carrières des Avins en Condroz. ».(1)
« Maternité » (1950), symbolique de la naissance de Martine, premier enfant de l'artiste, comme « La Conque » (1956) et « Fruit » (1960), ces deux dernières œuvres étant présentes à l'exposition, révèlent durant cette décennie l'importance du référent familial. La suggestion de thèmes minéraux et végétaux se retrouve dans « Le Poisson » (1958), « l'Oiseau » (1958) ou « Early Spring » (1960), par exemple.
Les monotypes font affleurer de subtils jeux d'ombres et de lumières baignant « couples », « arbres », ou « rocs » aux contours estompés mais toujours suggestifs. Le rendu visuel du papier de l'estampe renvoie de manière éloquente aux traces, pour ne pas dire à l'écriture secrète, campée dans la pierre.
Homme de pensée et d'introspection, membre de la Classe des Beaux-Arts de l'Académie Royale de Belgique, André Willequet écrivait en 1997 dans son Introduction à « Entre Forme et Espace » : « Seul me captive ce qui m'échappe ».(2)

Michel Van Lierde, mars 2013

 

(1) André Willequet ou la multiplicité du regard, Ph. Roberts-Jones, Éd. Labor, 1985, p. 28.
(2) Entre Forme et Espace, André Willequet, Académie Royale de Belgique, Classe des Beaux-Arts, 1998, p. 10.


Sculptures, empreintes, poésie

Sculpteur important de l’après-guerre en Belgique, élève d’Oscar Jespers, André Willequet (1921-1998) fréquenta Moore, Zadkine et Brancusi.
Ces fortes personnalités le marquèrent définitivement. Féru de culture classique, comme beaucoup, il évolua de la figuration vers une abstraction qualifiée de lyrique, certes, mais pratiquée avec beaucoup de retenue.
Quelle que soit la technique utilisée (cire perdue, taille directe, empreintes,…) ou la matière choisie (bronze, bois, pierre, papier,…), Willequet a toujours mis son habileté technique au seul service de l’œuvre. Il nous légua donc un travail exigeant quelque effort intellectuel de la part d’un public trop habitué aux frasques d’un art-spectacle.
Son œuvre sensible et raffinée est toute imprégnée de poésie. Les sceptiques pourront s’en assurer lors de cette exposition-hommage, assortie de l’édition d’une plaquette de poèmes de l’artiste.
Profitant des beaux jours, pourquoi ne pas aller (re)découvrir son superbe labyrinthe du Musée David et Alice Van Buuren, à Uccle ? Willequet le ponctua magistralement de sept sculptures sur le thème du Cantique des Cantiques.

Yves De Vresse
Brussel deze Week, du 18 au 24 juin 2004


Formes, volumes et stèles

L’art méditatif d’André Willequet

Fin, racé, cultivé, homme sage et témoin discret, André Willequet, trop tôt disparu, aura animé la sculpture belge de ce surplus d’âme qui fait toute la différence. Sans tape-à-l’œil, en traquant l’éphémère dans la matière brute, comme dans la forme soudain surgie du ciseau, le sculpteur a ennobli cette forme, ce volume incident en leur conférant, à l’un comme à l’autre, l’aura indispensable à toute expression.
Mémoire et captation de l’indicible. C’est ce même amour de la matière, de la ligne, de la figure, que l’on ressent dans la série d’Empreintes surgies du papier blanc comme autant d’envols pour autant de rêves suspendus entre ciel et terre. L’édition limitée de ses poèmes « Éparses » est un cadeau de plus, discret, fervent.

Roger-Pierre Turine
La Libre Belgique, mercredi 30 juin 2004


Au pied de l’Acropole avec André Willequet

La sculpture témoigne d’une présence inscrite dans l’instant. Jusqu’à l’intemporel. Le regard la circonscrit, l’enveloppe, l’embrasse pour la déduire du lieu où elle se tient. Dans ce mouvement que le ciseau anime, l’œil nous tient la main. Dans sa course, il nomme pas à pas ce qui, jusque là, n’avait nul nom. L’informe prend corps, la matière prend sens.
L’empreinte relève d’un passé qui fait retour. La mémoire y imprime une marque que chaque regard ressuscite. Ici, la perte se fonde en promesse. Au creux du papier gorgé d’eau s’annonce une saison sèche qui, progressivement, donne corps à la figure. Qui sera trait, ligne, horizon, souvenir.
André Willequet aimait la Grèce. À la fois berceau d’une culture à laquelle, sa vie durant, il est resté attaché et d’un art qui lui a offert son moyen d’expression privilégié. Au-delà du rapport à l’antique, la Grèce était pour André un ciel – nécessairement bleu –, une matière – le marbre d’évidence – et une mémoire qui s’enracine dans l’inconscient. Elle était origine et horizon.
Au pied de l’Acropole, en un de ces matins d’avant-printemps où le soleil n’a pas renoncé à la fraîcheur, l’archétype se dénoue lentement. S’unissent en un même instant suspendu, un torse de pommier sculpté par André et la figure archaïque de la première Athéna. Cette simple présence informe – baïtulos ou xoanon – qui ignorait tout des pièges de la représentation imprime son souvenir à la main qui gravite. Elle témoigne d’une certitude : indemne du temps, le passé compose librement notre devenir.

Michel Draguet
Athènes, le 16 mars 2004


L'espace est volume

La sculpture est un volume dans l’espace. L’école définissait ainsi l’art des formes. Avec le temps, le travail m’a amené à renverser la définition si bien qu’aujourd’hui je dis :

L’espace est volume.

L’espace ! Cette ouverture vers l’infini, le vertige qu’il engendre n’est pas d’ordre matériel.
Indifférent aux dimensions, il est un choix de rapports, un fruit de l’esprit. Mon espace à moi peut être de mesures très petites, mais je le veux, je le ressens comme illimité.
Mystérieuses sont les relations entre format et proportion.
L’égypte nous montre la grandeur dans des sculptures qui tiennent tout entières dans le creux de la main. Cette grandeur est pure affaire de vision, qui est une qualité spirituelle indifférente aux dimensions physiques.
Certes, la loi des rapports entre les formes, la proportion, est toujours présente et active. Pourtant, comment parler de proportions entre parties qui ne ressemblent à rien, qui sont faites de vide ?
Là, est le cœur de ma recherche.
Structurer le vide. Créer des formes dont les relations mutuelles se mettent à vibrer comme un son.
Dès que s’impose une forme, l’espace gagne son identité.
D’anonyme, voici qu’il prend visage et expression...
Le vide n’est pas le vide : il est fureur de vibrations, d’échos, de tensions qu’une structure rend perceptibles et vivants. Il est un théâtre illimité où un monde inconnu s’anime. Il est une poétique nouvelle aux évocations infinies, aux perspectives innombrables.

André Willequet

Extraits de Entre forme et espace, Bruxelles, Académie royale de Belgique, Classe des Beaux-Arts,1998