Mendelson : le dessin comme vérité

Comme Van Lint, Marc Mendelson fut l’une des figures les plus marquantes de la Jeune Peinture après la seconde guerre. Il est bien qu’aujourd’hui, tandis que la belle rétrospective Van Lint bat son plein au Musée d’Ixelles (du moins on l’espère), Mendelson ait lui aussi les honneurs des cimaises ixelloises.
Cimaises flambant neuves au demeurant qui, en termes d’élégance, de lumière et d’espace n’ont rien à envier aux plus belles des officines vouées au commerce de l’art.
Il n’est pas mal non plus que Didier Devillez, maître des lieux, vienne en droite ligne de l’espace du livre et de l’édition, que ce soit un homme de culture ouvert depuis toujours aux arts plastiques (il l’a prouvé au fil de ses publications) mais réticent à ses errements, ses exclusives, ses fausses valeurs. Convaincu comme nous que Bruxelles peut être le lieu par excellence de quelques galeries destinées aux connaisseurs plutôt qu’aux marchands de soupe et aux spéculateurs, il double la partie lisible de ses activités d’une partie visible qui promet.
Cette toute belle galerie fraîchement inaugurée n’a donc rien d’un trust international — elle en serait plutôt l’antidote — et entame sa carrière avec une magnifique exposition de dessins de Mendelson. Ces dessins (aussi bien gouaches, monotypes, encres, crayons, doodles, ces vagabondages de la main réalisés lors d’échanges téléphoniques…) sont en fait très représentatifs de la totalité de l’œuvre et de son génie propre.
Comme souvent, le dessin permet de lire entre les lignes et de mettre bout à bout les phases d’une évolution. C’est le cas pour Mendelson dont on découvre une cinquantaine de pièces jamais montrées, gardées au secret de l’atelier et parmi lesquelles Devillez en accord avec le peintre a fait une excellente sélection.
Œuvres figuratives ou plus abstraites, de 1933 à aujourd’hui, on est frappé par leur variété, leur densité à l’abri de tout pittoresque, surtout quand le trait progresse à l’économie et qu’il dégraisse la représentation pour ne plus retenir qu’une ossature expressive. Il y a là quelques petites merveilles comme Mia, les Chaises, les Pinceaux, l’un ou l’autre paysage d’Italie…
Au fil des années, ces dessins se font plus abstraits mais non moins beaux, les évocations plus parcimonieuses, plus conceptuelles, parfois énigmatiques, mais toujours sans sécheresse. Témoin ce nu à la figuration désinvolte mais juste digne d’un Twombly ou cette « Prospection sous-marine ». Et en prime, comme souvent chez les meilleurs représentants de la Jeune Peinture, une douce ironie décale l’œuvre. L’artiste est dedans et dehors.

Danièle Gillemon
Le Soir, Mercredi 5 mars 2003


Un art qui vibre

Le bonheur de retrouver Marc Mendelson au travers d’une suite de dessins de ses septante années de quêtes et d’épreuves plastiques est immense ! Le lieu d’accueil, il est vrai, est à la dimension de l’événement : convivial et spacieux, net et lumineux. Quant au galeriste, il a tout pour qu’on le suive : de longue date éditeur d’ouvrages choisis, voici Didier Devillez en veine de nous exposer ses coups de cœur. Que rêver de mieux pour l’art et la peinture ! Modeste et juvénile, Mendelson signe un superbe ensemble, le survol d’un travail aussi généreusement limpide dans ses combats et ses conquêtes s’y avérant présent inestimable. Avec lui, la ligne s’apprivoise par tensions subtiles mais décisives, des premiers dessins naturalistes — ah, ce boxeur noir de 1933 — aux plus récentes épures. Voilà un art qui vibre

Roger-Pierre Turine
La Libre Belgique, Mercredi 19 mars 2003