Calligraphies

Les peintures de Kneib

André Kneib nous vient de France et il a 53 ans. Une longue immersion dans l’art de la Chine lui a valu de nous composer des calligraphies d’une étonnante vérité : « Xin, le cœur, l’esprit, le for intérieur » ou, autre exemple, « Yin, féminin, principe féminin  ».
Réalisées à l’encre noire sur fond blanc frappé du sceau rouge, ces calligraphies sont parfois rehaussées d’un soupçon de vert. Si tout s’y articule au départ de l’idéogramme, la peinture de Kneib magnifie le geste libéré.
Si libéré d’ailleurs que son travail plus récent chante bien davantage la joie des couleurs dans une sorte de printemps des traits et des lignes. C’est dire si cette exposition très spirituelle repose, rafraîchit.

Roger-Pierre Turine
La Libre Belgique, mercredi 4 mai 2005


Calligraphies de Kneib

Première belge pour ce Français de 52 ans rompu, comme s’il en était issu, aux exercices de la vraie calligraphie chinoise, celle qui écrit des mots avec des signes, des urgences, des présences d’une étrange et étonnante vivacité. Jouant avec les encres comme d’autres impriment à leur vie des références mentales apprises où ils sont nés, André Kneib semble aussi à l’aise avec l’écriture chinoise que si elle avait toujours été sienne. Ainsi, en tout cas, en attestent les Chinois eux-mêmes.
Ses calligraphies, ses « caractères » comme il dit, se mangent des yeux et, plus récents, ses « herbages », conçus cette fois en terre alsacienne, avouent une réalité qui aurait, dirait-on, lié commerce avec quelques dieux de la nature et des signes.

Roger-Pierre Turine
AAA n°361, mai 2005


Culturele revolutie

In het Westen is men de diverse oosterse kaligrafieën vaak enkel om hun grafische kwaliteiten gaan waarderen. De appreciatie ervan gold voor de virtuoze uitvoering, en dan nog vaak gemeten aan maatstaven die de uitvoerders ervan totaal vreemd waren. Dat de woordtekens ook nog een letterijke betekenis hadden werd over het hoofd gezien.
De logogrammen van Christian Dotremont of het “alfabet van de duisternis” van Henri Michaux, hoe consequent ook in hun eigen logica ontwikkeld, inspireerden zich enkel op de Chinese schrijftkunst.
André Kneib (°1952) daarentegen, ontwikkelt een beeldtaal die hem eigen is en volledig autonoom, maar die wel stoelt op een grondige kennis van de Chinese taal en cultuur. Kneib is dan ook als sinoloog verbonden aan de Parijse Sorbonne. Naast zijn academische carrière beofent hij sinds vele jaren de kalligrafie, die hij onder andere onder leiding van grootmeester Ding Hao studeerde.
Na aarzelende en zelfs ronduit vijandige reacties wordt zijn werk nu regelmatig en succesvol tentoongesteld in landen als China en Japan. Die eerste afwijzing is te verklaren door het feit dat André Kneib kleur introduceerde; een ware culturele revolutie in de voorheen volledig zwart-witte schrijfkunst. Ondertussen hebben publiek én autoriteiten erkend dat het œuvre van Kneib zich inschrijft in een modernistische stroming binnen de kalligrafische kunsten. Zijn expositie in het Museum voor Schone Kunsten van Bejing, waar hij in 1999 zijn “calligraphies peintes” tentoonstelde, na twintig jaar carrière, betekende een consecratie die geen enkele westerling eerder te beurt viel.
Op zaterdag 30 april om 15 uur licht André Kneib zijn werk toe in een gesprek met Jean-Marie Simonet, sinoloog. Reserveren is noodzakelijk.

Yves De Vresse
Brussel deze Week, du 8 au 14 avril 2005


André Kneib ou la calligraphie du réel

En hommage à Philippe Ruelle

L’œuvre d’André Kneib (1952) est étrangère au phénomène occidental qui nous est devenu familier par les créations graphiques d’inspiration extrême-orientale de Christian Dotremont (ses logogrammes) ou de Henri Michaux (son alphabet de ténèbres). Il s’agit ici d’une écriture authentiquement chinoise, reçue et accueillie comme telle en Chine et au Japon depuis plus de vingt ans.
On pourrait croire que les caractères d’écriture – qui sont des mots en réalité, c’est-à-dire des concepts appartenant au langage visuel que compose l’écriture chinoise – sont par eux-mêmes explicites, chargés de leur sens, celui des mots du dictionnaire… Mais l’art d’André Kneib, qui nous les présente dans leur identité singulière, dégagés de tout contexte, affirme au contraire leur appartenance réelle au concret.
Pourquoi au contraire ? Parce que ces caractères, aussitôt, se sont transformés en sphinx, nous interrogeant à leur tour au lieu de parler comme le font les mots dont ils sont issus. Le but d’André Kneib est de nous ouvrir une voie vers l’inconnu qui demeure en eux, derrière leur façade de lisibilité. Pour déjouer leur stratégie du caché, l’artiste libère leur impulsivité, dégage la tornade du geste, fait briller l’arc-en-ciel de métamorphoses chromatiques, ignorées des lettrés-calligraphes chinois. Il les magnifie en nous introduisant dans leur microcosme, grotte cellulaire qui recèle l’énigme du monde.
Les herbages d’André Kneib, apparus l’an dernier sur sa terre alsacienne, sont des produits issus du même règne calligraphique que ses caractères. Le sol en est absent et ils s’élèvent vers une lumière qui est un vide : pure potentialité spatiale. Mais les tendres herbages, les bleus et jaunes opaques ou diaphanes des graminées sauvages n’en sont pas moins réels. Une arabesque circulaire faite de jambages entrelacés dissimule parfois la référence botanique, mais nous sortons tout de même parfaitement ébouriffés de ce passage salutaire au raz des thyms et des rosées…
Le papier chinois – qui n’a rien à voir avec le riz ! – réalise une alchimie avec l’encre : il l’incorpore, un mariage s’opère, il n’est ni surface ni support. Une matière-espace résulte de cette alliance médiumnique, offerte au mouvement, au souffle, au geste, au plaisir et à la grâce de la plage blanche, à perte de vue...

Jean-Marie Simonet
Directeur de l’Institut belge des hautes études chinoises
mars 2005