à propos de Guy Jaspar...
Guy Jaspar est un poète qui s’exprime par la peinture. D’abord attiré par le théâtre et la littérature, ses poèmes paraissent dans différentes revues. Il en publie un recueil en 1962?: Le Haut Mal. Cette même année, il rencontre René Char, avec qui il «converse» longtemps par écrit. Ses autres engouements vont de Mallarmé, Hölderlin, Boulez, Bartok, Klee, tapies, Rothko, à Bissier...
En 1964, il aborde la peinture en autodidacte, mais la poésie continue à faire partie intégrante de son oeuvre, qui se présente comme une patiente quête de l’absolu, un hymne au silence, à la méditation, à l’intériorité. Peintre de l’absence, du vide, du dépouillement, Guy Jaspar semble être à l’écoute des bruits du monde, qu’il filtre ou apprivoise, qu’il décante, pour n’en restituer que l’essence, la transcendance, le mystère profond.
A l’instar des Orientaux, dont il admire tant l’art et la culture, le vide, pour lui, n’est pas synonyme de néant; au contraire, il l’appréhende comme un espace cosmique, un infini, plein de toutes les promesses d’une union heureuse entre l’homme et l’univers.
Sa démarche créatrice est «une invitation à entrer dans la méditation de la naissance silencieuse, pour qui est aux aguets des possibles à surgir?: du regard ouvert vers l’intérieur» écrit Grégoire Watelet en...
Sur un support mélaminé ordinaire, l’artiste applique des couches successives d’acrylique et d’huile, paginées par un vernis; il privilégie les tonalités sourdes habitées de noir. Après séchage, elles sont patiemment poncées, grattées ou érodées au solvant, révélant ainsi des strates sous-jacentes, des traces furtives de vie, des frémissements de matière, comme s’il cherchait à exhumer un passé enfoui, une mémoire. Estompés, rongés par ce traitement de choc, une phrase, un mot allusif, une lettre ou un signe solitaire émergent parfois d’une plage silencieuse; ils perturbent, interrogent ou incitent à réflexion... A cet égard, l’artiste compare son oeuvre à une pierre tombale, dont l’épitaphe, usée par «le passage innombrable de l’homme» est devenue illisible; l’identité du défunt s’est muée en signes...
Un trait rouge ténu jaillit presque immanquablement de ses créations?: à la fois cicatrice et source de vie, Guy Jaspar en a fait sa griffe ardente.
Nicole d’Huart, 1994
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GUY JASPAR : Du Tracé au Prononcé
Poète dans l’âme, Guy Jaspar éprouva très jeune une fascination pour le verbe : il déclare volontiers que ses options picturales ont laissé en lui le regret de ne s’être guère adonné davantage à la poésie écrite. Aussi, n’est-il pas étonnant s’il est porté à recourir dans ses tableaux à l’inscription d’écritures.
Tantôt jouant sur les effets d’une calligraphie indéchiffrable, elles acquièrent la charge émotive des signes extrême-orientaux, de ces graphies demeurées plus proches de l’intériorité, qui visent plus au silence et à la méditation qu’à l’expression et à la communication ; tantôt inscrites de manière imprimée dans les zones les plus mystérieuses du support, elles usent de vocables (un vers aimé, un mot qui s’impose à l’esprit de l’artiste) qui n’en évitent pas moins toute interprétation discursive : « des mots en perdition », comme se plaît à dire le peintre.
En poète moderne, en écorché lucide devant un monde contemporain qui osa toutes les horreurs, Jaspar n’hésite pas à explorer le gouffre de l’existence, à se tenir au seuil transcendant du vide. Il vit à l’extrême de sa propre expérience, mais tout en résistant à la tentation nihiliste, en refusant de réduire ses moyens d’expression à l’invisible, de confondre informel et informulé.
Ses tableaux sont des miroirs, des psychés disait-on autrefois, en quelque sorte des surfaces projetant dans l’âme du contemplateur, grâce aux artifices plastiques admirablement maîtrisés, des images de l’inimaginable, de l’absolu, du vide, du temps arrêté et de l’infini. Rien d’étonnant non plus si, à l’instar de prestigieux aînés tels Mark Tobey, Antoni Tapies, René Guiette ou Henri Michaux, Guy Jaspar éprouve une attirance infinie pour la pensée et l’art d’Extrême-Orient et qu’il soit fasciné par sa conception du vide, bien différente de celle d’Occident, qui n’y voit que le néant.
Vaste espace de repos cosmique, ce vide, à n’en pas douter, lui apparaît au contraire comme un lieu ouvert à toutes les plénitudes possibles ; mais il lui a fallu d’abord vider ce lieu de tout ce qui ne participe pas à sa transcendance, le déconditionner aussi de ses aléas esthétiques.
Ce vide, c’est d’abord et surtout celui que le peintre suscite en lui-même. Alors seulement Heidegger avait raison : « La mutation du divers en univers est cette liberté laissée à l’absence, en grâce de quoi l’universel devient présent ».
Serge Goyens de Heusch
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PROLOGUE pour GUY JASPAR
Peinture où émerge le mystère comme dans l’icône.
Une laque couvre la surface comme l’indéterminé étale du premier jour.
Un polissage patient entame et découvre le substrat inattendu et profond.
Avec le paragraphe de quelques ponctuations-signes pour accord, on pense au bras, au nez ou à l’œil de l’esclave de Michel-Ange qui émerge de sa gangue marmoréenne.
Au-dessous des couches apparentes se révèlent et s’organisent insensiblement des traces de vie en sommeil, un vide plein de ressource. Promesse d’espaces plus ouverts qui transparaît dans les intervalles, le frémissement des fonds : béances où s’enfonce le chemin de la méditation.
La raison est sous ma charrue, l’ordinaire est dans mon travail,
mais l’avenir prodigieux réside dans le reste. Il est mon hasard,
il est mon temps, il est mon histoire, ma vie. Que ferais-je sans lui ?...
La traversée du désert s’appelle, dans notre vieux monde, l’histoire.
Elle va des champs vers les forêts…
Michel Serres, in « Détachements ».
Le polissage intelligent et précieux révèle et attaque à la fois.
Il introduit une dimension nouvelle dans ce miroir où la profondeur est nuée.
Le superficiel entamé livre la voie aux plages vierges, silencieuses, invitant à une traversée de la mort où sourd déjà une autre vie.
L’image se recompose patiemment sous l’œil de l’esprit.
Ces plages vibrent déjà pour la germination.
Une signature s’inscrit, signe ténu et fort, tache, lettre ou mot discret.
Invitation à entrer dans la méditation de la naissance silencieuse pour qui est aux aguets des possibles à surgir : du regard ouvert vers l’intérieur.
Ici est l’élan lapidaire.
Jacques Grégoire WATHELET
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Biographie
Né à Liège en 1943, Guy Jaspar se passionne très tôt pour la littérature et la poésie et publie en 1962 un recueil « Le Haut Mal ». En parallèle, il explore la peinture. Celle-ci sera tout d’abord en pleine pâte étalée en couches généreuses et colorées au couteau. En 1974, il découvre le travail du peintre Julius Bissier qui le marque profondément. A la même époque, il approche la culture et l’art de l’Extrême Orient qui décidera d’un tournant de sa peinture vers le minimalisme tant au niveau de la matière picturale qu’au niveau du choix des couleurs. En 1992, il obtient la bourse de la Fondation SPES qui lui permet d’effectuer plusieurs voyages d’étude au Japon pour mieux encore pénétrer ce qu’il sent intuitivement.
Expositions personnelles 1967 - 2015
1967 |
Galerie Montjoie, Bruxelles, Belgique |
1969 |
Cultureel Centrum Brussel, Belgique
C.A.W, Antwerpen, Belgique |
1970 |
Galerij Pieter Coecke, Aalst, Belgique |
1971 |
Galerij Richard Foncke, Gent, Belgique |
1972 |
Galerie Le Zodiaque, Bruxelles, Belgique
Crédit Communal de Belgique, Namur, Belgique |
1973 |
Galerie Imaka, Zurich, Suisse |
1975 |
Banque Lambert, Bruxelles, Belgique |
1976 |
Galerie Arcanes, Bruxelles, Belgique |
1980 |
Galerie Michel Vokaer, Bruxelles, Belgique |
1984 |
Galerie d’Oultremont, Bruxelles, Belgique |
1986 |
Maison de la culture, Namur, Belgique
Galerie Embellie, Montreux, Suisse |
1990 |
Musée d’Ixelles, Bruxelles, Belgique
Médiathèque de Belgique,
Louvain-la-Neuve, Belgique |
1991 |
Galerie Le Bateau Ivre (le centenaire
Rimbaud), Redu : Village du livre, Belgique |
1992 |
Espace culturel (centenaire Rimbaud), St-Valery en Caux, France
Galerie 92, Bruxelles, Belgique
25 ans de peinture : Fondation pour l’Art Belge contemporain, Bruxelles, Belgique |
1993 |
Gallery Saoh, Tokyo, Japon
Galerij Opdenakker, Antwerpen, Belgique |
1994 |
Galerie du Vieux-Villeneuve, Villeneuve, Suisse
Gallery Saoh, Tokyo, Japon
Galerie Tomos, Tokyo, Japon |
1995 |
Galerij Bulo, Mechelen, Belgique
Galerie du Vieux-Villeneuve, Villeneuve, Suisse |
1996 |
Galerie 2016, Hauterive, Suisse
Galerie Parti-Pris, Lausanne, Suisse
Galerie 2016, Bruxelles, Belgique
Gallery Saoh, Tokyo, Japon |
1997 |
Gallery Kaseido, Kyoto, Japon
Galerij Esprit, Clinge, Pays-Bas
Galerie Parti-Pris, Lausanne, Suisse |
1998 |
Galerie Parti-Pris, Lausanne, Suisse
Gallery Saoh, Tokyo, Japon
Présentation d’un « Chemin de Croix » à la chapelle de Boendael, Bruxelles, Belgique
Gallerie de Ballens, Ballens, Suisse |
1999 |
Fondation l’Estrée, Ropraz, Suisse
Galerie Mandala, Tokyo, Japon
Gallery Saoh, Tokyo, Japon
Galerie Faider, Bruxelles, Belgique
Galerie de l’Essor, Le Sentier, Suisse |
2000 |
Gallery Saoh, Tokyo, Japon
Galerie Jean-Marc Laï k, Koblenz, Allemagne
Galerij Esprit, Clinge, Pays-Bas |
2001 |
Galerie l’Enclume, Bôle, Suisse
Galerie Faider, Bruxelles, Belgique
Gallery Innocent, Kohfu, Japon
Galerie Artesol, Soleure, Suisse
Galerij Serge Scohy, Antwerpen, Belgique
Foire de Strasbourg, Galerie Jean-Marc Laï k, Koblenz, Allemagne
Foire de Frankfurt, Galerie Jean-Marc Laï k, Koblenz, Allemagne
Foire de Nîmes, Galerie Jean-Marc Laï k, Koblenz, Allemagne |
2002 |
Fondation l’Estrée, Ropraz, Suisse
Galerie Jean-Marc Laï k, Koblenz, Allemagne
Galerie Faider, bruxelles, Belgique |
2003 |
Galerie Artesol, Soleure, Suisse
Gallerie de Ballens, BAllens, Suisse
Gallery Ogata, Kiushu, Japon |
2005 à 2015 |
De nombreuses expositions hommage, au Japon, en Suisse et en Belgique |
1981 |
à l’occasion du centenaire Rimbaud, Guy Jaspar réalise une fresque sur la façde de la galerie « Le Bateau Ivre », redu, Village du Livre |
1996 |
il réalise la pochette du CD « Echopes of silence » de Thierry Lang |
1997 |
Invité par un groupe d’artistes japonais, il participe à une exposition collective sur le thème du « Bleu Prière » |
1998 |
du « Blanc » |
1999 |
du « Noir » |
2000 |
du « Rouge » |
Expositions collectives
Belgique, France, Grand-duché du Luxembourg, Irlande, Japon, Suisse, Danemark, Suède.
Collections
Musée d’Ixelles
Communauté Française de de Belgique
Banque Paribas
Crédit Communal de Belgique
Banque Lambert – BBL
Bibliothèque Royale de Belgique, Cabinet des Estampes
Fondation pour l’Art Belge contemporain
Banque Raiffeisen, Suisse
Commune de Chenit – Vallée de Joux, Suisse
Bibliographie
- Guy Jaspar, la voie médiative, par Claude Lorent Guy Jaspar. Du clair au divisible aux images imaginées, par José Mespouille
- Guy Jaspar. Une peinture qui joue sur les mots, par MPA
- Les « Voyelles » de Guy Jaspar, par Florence Jeanne
- Le temps retrouvé de Guy Jaspar, par Chantal Thonon
- Prologue pour Guy Jaspar, par Grégoire Watelet, Maisond e la Culture, Namur, 1986
- Peindre la Croix – Pierre Hugli – PH+, Suisse, 1999
Monographies
- Du tracé au prononcé, par serge Goyens de Heusch, 25 ans de peinture, les Editions de la Fondation pour l’Art Belge Contemporain, 1992
- Guy Jaspar par Nicole d’Huart Confrontations – Confrontaties, 111 artistes contemporains Belgique et Luxembourg – Editions Lanoo S.A. – 1993
- Guy Jaspar par Nicole d’Huart Collection Musea Nostra, Musée d’Ixelles, bruxelles, Editions Ludion S.A. – 1994
- Guy Jaspar – lieux dits – Galerie Faider – 2001
Publication
- Épissures – Editions Espace B – 2004
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