Philippe Guitton
Né en 1962

Philippe Guitton sait – comme on saisit une truite à la main dans un remous – surprendre une intensité´ furtive, un déplacement minuscule, une infime variation dans le décor ou dans le temps. Il sait arrêter, fixer cela, puis le caresser d’un geste sec pour l’approfondir, sans un mot, surtout sans un mot. Parce que Philippe Guitton s’y connait en matière de silence. En manière de silence. Il fabrique du silence avec les mains. Avec des mains de bucheron (au chômage). Il suscite – avec ces mains-là – des apparitions fragiles, fugaces, presque vulnérables. Figures vite évanouies, à peine arrêtées un instant par le trait de la lumière, mais dont le sens insaisi ne demande qu’à bruire, pour l’œil, de sentes, d’interstices, de passages. Il ne reste plus alors au regard qu’à tomber, de son haut, dans la déchirure. Ce qu’il en rapporte est la chose la plus fragile du monde : sa trace. Fragment d’instant perdu qu’un improbable a miraculé´ là, pour qui passera, peut-être, un jour son visage contre le papier.
Mais Philippe Guitton n’est pas seulement ce peintre inlassable de l’impossible présence. Il lui arrive heureusement de se lasser d’être inlassable. Il fait alors des livres à la main, des lettres à la forge, des totems à la tronçonneuse, des tabourets en châtaignier massif, des présentoirs intransportables et des calendriers du temps perdu. Il vit un peu comme Li-Po, à l’ombre d’une montagne.

par Cédric Demangeot
Extrait de la peinture a raison d'avoir un corps (& de l'inquiéter)