Thierry Goffart, Arbre
Des touches d’émotion
Retrouver l’émotion de la peinture pure,
celle qui touche par sa simple présence, évidente. Et dont
la contemplation se nourrit éventuellement d’explication.
Voilà l’expérience à laquelle invite l’œuvre
de Thierry Goffart.
ArbrE est le titre de cette exposition. Mais de l’arbre
vous ne trouverez point d’images réelles, point de feuilles
ou de tronc. Par contre, vous rapprocherez peut-être l’espace
que Thierry Goffart découpe à l’intérieur de
quelques toiles, du ciel qui passe entre les branches. Peut-être
aussi l’amplitude de certaines autres parties évoqueront-elles
pour vous la couronne déployée d’un feuillu. Peut-être
tout simplement regarderez-vous ces œuvres sans chercher à
comprendre ce qui a inspiré le peintre, vous plongeant sans prétexte
dans la contemplation de ces plages monochromes.
Les moyens techniques et pratiques que s’est choisis Thierry Goffart
sont traditionnels, la toile, le pigment et la structure. Rien que pour
la splendeur des teintes, la visite de l’exposition vaut le détour
: rouges, jaunes éclatants, bleus profonds chantent ici avec puissance.
Mais cette force se déploie par une texture fluide et légère,
une manière qui évoque le peintre américain Rothko.
Et curieusement, cette alliance entre la force d’une tonalité
et sa légèreté trouve une expression plus sensible
encore dans les fusains monochromes qui accompagnent l’exposition.
Dans ces œuvres aussi se précise l’espace que l’artiste
introduit dans ses œuvres par des inclusions de bouts de bois. Ici
on retrouve explicitement l’évocation de l’arbre, mais
vous l’avez compris, elle n’est pas vraiment nécessaire.
Même si elle découle de l’émotion que le peintre
à ressentie face à l’arbre et aux déclinaisons
qu’elle a entraînées.
Anne Hustache
Zone 02, du 28 janvier au 3 février 2004
Que rien désormais ne me fasse revenir de ma détermination
: ne sacrifier jamais l’objet de mon étude à la mise
en valeur de quelque trouvaille verbale que j’aurai faite à
son propos, ni à l’arrangement en poème de plusieurs
de ces trouvailles.
En revenir toujours à l’objet lui-même, à ce
qu’il a de brut, de différent : différent
en particulier de ce que j’ai déjà (à ce moment)
écrit de lui.
Que mon travail soit celui d’une rectification continuelle de mon
expression (sans souci a priori de la forme de cette expression)
en faveur de l’objet brut.
[…]
Ne jamais essayer d’arranger les choses. Les choses et
les poèmes sont inconciliables.
Il s’agit de savoir si l’on veut faire un poème ou
rendre compte d’une chose (dans l’espoir que l’esprit
y gagne, fasse à son propos quelque pas nouveau).
C’est le second terme de l’alternative que mon goût
(un goût violent des choses, et des progrès de l’esprit)
sans hésitation me fait choisir.
Ma détermination est donc prise…
Peu m’importe après cela que l’on veuille nommer poème
ce qui va en résulter. Quant à moi, le moindre soupçon
de ronron poétique m’avertit seulement que je rentre dans
le manège, et provoque mon coup de reins pour en sortir.
Francis Ponge, La rage de l’expression,
« Berges de la Loire », Roanne, le 24 mai 1941
|