Bien sûr qu’il y a des accidents, que l’artiste ne détermine pas tous les chemins de l’eau que vont emprunter les couleurs, ni la manière dont celles-ci vont se mélanger. Évidemment qu’il y a un intérêt réel – technique et esthétique – à se laisser porter par les matières et leurs déploiements imprévus. Cela permet de déplacer le geste, et de la mener parfois là où elle n’aurait pas pensé – ou peut-être pas osé.

Cette indocilité de l’aquarelle est aussi ce qui a permis à l’artiste de s’amuser à contrôler les échappées, d’apprendre à diriger la couleur et à doser son dépôt, d’inventer des outils spécifiques pour ces gestes minutieux et d’acquérir ainsi une excellente maîtrise technique qui participe à la qualité de son travail, à la précision de ses œuvres et à leur immense potentiel de déploiement sériel. Alors oui, l’accident, qu’il soit réel ou potentiel, est constitutif de l’œuvre de Cécile Granier de Cassagnac, parce qu’il est intrinsèque à sa technique.

Mais là où il n’est pas question d’accident, c’est dans le choix de cette technique. De cette technique qui se regarde et qui s’incorpore. De cette technique qu’il faut suivre et conduire, que l’on accompagne et qui guide, avec laquelle on se retrouve main dans la main et, pour l’artiste, face à face.

C’est que l’aquarelle travaille le vivant.

Et que le vivant est le sujet de Cécile Granier de Cassagnac. Ou, plus que son sujet, il est le contenu de son travail. Ce qui l’inspire et ce qu’il contient – quand bien même elle observe surtout ce vivant dans un état figé, statufié, (désincarné ?) aux musées ou dans les livres.

Animaux taxidermés, fleurs fanées des herbiers, pierres en vitrines ou photographiées et autres objets fossilisés sont les sources de son travail et les éléments de son environnement. Ce qu’elle s’attache à (r)animer, à rendre vivant sur ses papiers.


Claire Kueny, novembre 2018


Cécile Granier de Cassagnac (1979)
Travaille à Paris et à Pantin

EXPOSITIONS PERSONNELLES

2018 Subliminal sanctuary, Jules Maeght Gallery, San Francisco
2012 Yishu 8, Pékin, Chine
La théorie du ruissellement, galerie S.R, Paris
2011 Falcons, salon du livre, Abou Dhabi
L’aposématisme joyeux, Chapelle du Carmel, Chalon sur Saône
2009 Ollie owl, Galerie AAA, Paris
2008

Le chant des grumes, Vestibule de la Maison Rouge, Paris.
Parrot fever 2, Super, Paris.