ODILE BELLAGAMBA
Née à Bruxelles en 1967 - vit à Rome

Après des études en histoire de l'art à l'Université Libre de Bruxelles (1990-1994), Odile Bellagamba entame une formation d'un an en peinture décorative à l'Institut Supérieur de Peinture Vander Kelen Logelain (Bruxelles) en 1996, suivant les cours de faux-marbre, faux-bois, trompe-l'oeil, patine et dorure. Cet apprentissage sera déterminant pour l'artiste, celle-ci trouvant en ces pratiques picturales rigoureuses d'imitation de la réalité un écho à sa fascination pour les tableaux des Primitifs flamands, mais surtout la certitude de la voie plastique qu'elle se choisit.

L' apprentissage du métier pictural à l'ancienne, fait de la préparation méticuleuse de la toile, de l'application de nombreuses et fines couches de peinture superposées, de glacis délicats et lumineux réalisés à l'huile, appliquée avec patience, marque déjà de son empreinte la production de l'artiste que, cependant, elle n'entamera que quelques années plus tard, après un mariage napolitain, et qu'elle mène désormais depuis une dizaine d'années simultanément à sa vie de mère.

C'est à Naples, où elle s'établit en 1997, que l'occasion lui est donnée à maintes reprises d'exercer ses talents de praticienne en trompe-l'oeil en restaurant villas privées et église. Puis à Rome, ville dans laquelle Odile Bellagamba vit depuis 2001, où elle restaure les marbres et dorures de l'église Saint-Louis des Français, dans le centre historique de la ville. Durant un an, juchée sur des échafaudages, Odile Bellagamba comble les parties picturales manquantes des colonnes et arcs en plein cintre, peint en trompe-l'oeil les nervures bleutées de la pierre, dans le sfumato de poussière blanche du lieu alors en chantier.

De Giorgio De Chirico, artiste dont elle fit une étude approfondie à l'Université pour conclure ses quatre années d'histoire de l'art, Odile Bellagamba partage le goût du voyage intérieur, étrange univers onirique dont elle fera sien, seule assise devant son chevalet lorsque la toile, en 2005, remplacera définitivement les murs des édifices.

Patiemment élaboré, le monde d'Odile Bellagamba s'exprime dès lors de manière toute personnelle : une figuration stylisée faite de personnages vus ou imaginés, simplifiés pour n'en garder que les contours schématiques, colorés en ce qui semble être des aplats mais qu'un oeil attentif authentifiera comme étant "le beau métier des maîtres", subtiles vibrations des couleurs appliquées en une succession de couches minces et transparentes, aux variations chromatiques qui se révèlent changeantes au gré de la lumière.
Monde démesuré, tant par les grands formats que par les massives silhouettes qui les peuplent, par cette majestuosité si particulière des figures et portraits peints par l'artiste, mais aussi par la radicalisation des formes construites comme des épures. Un monde de silences industriels où seul le vent peut s'entendre, où, seuls, les êtres humains se taisent, assis sur un banc, où les poupées et mannequins des vitrines, suspendus, empilés, entassés, attendent qu'on leur insuffle vie, et où les tours d'aéroport, châteaux d'eau, grandes antennes et usines désafectées emplissent la toile de leurs formes imposantes.
Un regard pictural qui déforme le gigantisme, dès lors livré dans sa frontalité crue, une vision du monde tantôt acérée d'angles et de géométrisme, tantôt souple et gracile, telles l'élégante éolienne ou la tour à l'entêtant escalier imaginaire. Un univers où la troisième dimension ne nous est pas montrée car celle-ci est à aller chercher en chacun de nous, en nous remplissant des émotions que son absence nous inspire.
Gros plans qui nous aspirent, détails peints comme un tout, qui s'apparentent parfois à l'abstraction, où l'horizontalité peut s'étirer, la verticalité s'exalter, les œuvres d'Odile Bellagamba transcendent la réalité du monde environnant en emportant ses personnages et ses décors dans une dimension aux confins de l'imaginaire, où les formes et les couleurs invitent aux voyages méditatifs.

Au travail huit heures par jour, dans son atelier romain, Odile Bellagamba s'acquitte de sa tâche comme le moine s'acquittait de la sienne, penché sur ses enluminures. Trésors encore méconnus d'un large public, par deux fois seulement exposés en Belgique, en 2011 et 2014, les tableaux de l'artiste suscitèrent d'emblée l'approbation du public, heureux de découvrir une œuvre riche dans sa simplicité, vibrante de multiples émotions.

Caroline Bricmont
juin 2015